Alors que les figures publiques occupent les écrans, séduisent les foules et cristallisent les débats, une question essentielle demeure : ce que nous voyons est-il authentique ou scénarisé ? À travers les cas de Jordan Bardella et Stéphane Edouard,
interrogeons-nous sur la fabrication du charisme médiatique. Une démonstration troublante mais salutaire.
Le charisme : mythe spontané ou construction stratégique ?
Il ne s’agit pas ici du charisme “naturel”, celui que l’on perçoit en face à face, mais bien d’un charisme médiatique : un effet de communication, scénarisé, façonné pour répondre aux attentes d’un public. Il n’est plus question d’authenticité, mais d’image projetée. Comme un acteur endosse un rôle, certaines figures publiques apprennent à incarner un personnage. S’appuyant sur les travaux de la sociologue Ameline Dalmazo, il est pertinent d’introduire l’idée d’un charisme sans substance, purement langagier, fabriqué pour flatter, rassurer, séduire — et souvent dominer.
Le cas Bardella : le costume d’un leader
L’exemple de Jordan Bardella est emblématique. Présenté comme une figure de force tranquille, d’autorité sereine, il n’a pourtant pas toujours incarné cette image. Un travail minutieux de media training, opéré par des spécialistes, a permis de transformer un jeune homme rigide et mal à l’aise en un visage séduisant, avenant, télévisuel. Le sourire, le ton, la posture — tout a été calibré.Et pourtant, lorsqu’on observe les vidéos “hors caméra”, loin des plateaux télé, le vernis craque. Gesticulation nerveuse, postures efféminées, langage non-verbal hésitant… L’écart entre la persona projetée et la personne réelle est saisissant. L’image médiatique s’effondre
dès que les projecteurs s’éteignent.
Stéphane Edouard : entre autorité virile et fragilité visible
Autre exemple, Stéphane Edouard. Coach médiatique aux allures de professeur sûr de lui, autoritaire et dominateur. L’image qu’il diffuse aujourd’hui n’a pourtant rien à voir avec celle d’un jeune homme timide, gauche, apparaissant il y a quelques années sur une émission de
divertissement. Ce contraste témoigne d’un processus de transformation intense, appuyé sur un travail de mise en scène de soi.
Il ne s’agit pas de condamner ces transformations. Elles sont parfois nécessaires pour atteindre un public, défendre une idée, vendre un service. Mais il est essentiel d’en prendre conscience : ce que nous voyons à l’écran n’est pas toujours ce qui est.
Une stratégie identitaire avant tout
Le charisme médiatique repose sur une stratégie identitaire consciente. Il ne s’agit pas simplement de se montrer : il s’agit de se fabriquer une image qui résonne avec les croyances et les désirs du public. C’est une forme de marketing existentiel : “je donne ce que tu veux voir pour t’attirer à moi”.Ces figures charismatiques deviennent ainsi des projections idéales, des supports d’identification, capables de cristalliser les fantasmes d’autorité, de sécurité ou de puissance.
Alors, authenticité ou mise en scène ?
Il n’y a pas une vérité absolue, mais une pluralité de figures, certaines façonnées pour la rue, d’autres pour l’écran. À chacun de faire l’effort de discernement entre le charisme du cœur et le masque médiatique, entre la sincérité d’un échange présentiel et la séduction orchestrée d’une vidéo. Et de rappeler, avec bienveillance mais fermeté : On ne change pas sa nature. On modifie
son image publique.